Le Niger est un pays sahélien à l’écosystème fragile, désertique aux deux tiers, où les zones agricoles sont concentrées dans la partie méridionale du territoire. À cause de l’insuffisance et de l’irrégularité de la pluviométrie, de la fertilité réduite et de la dégradation d’une grande partie des terres cultivables dans des milieux ruraux où la croissance démographique est élevée, les cultures pluviales, mil principalement, ne permettent de nourrir la majorité des ménages que quelques mois de l’année. Pour faire face aux contraintes environnementales et aux problèmes de subsistance, les logiques spatiales privilégiées dans les stratégies des populations diffèrent de celles sur lesquelles se fonde l’action des services de l’État.
Dans les régions sahéliennes, des échanges ont lieu depuis longtemps entre des villages et les populations situés dans des zones disposant de potentialités différentes pour assurer la subsistance et faire face à l’insuffisance et à l’irrégularité chronique des productions locales. Les réseaux marchands qui transgressent les limites des États-nations et des régions administratives jouent un rôle très important dans l’établissement de ces complémentarités. La circulation dans un espace élargi est plus importante que l’ancrage territorial pour limiter les contraintes et parvenir à un équilibre. La mobilité et les liens tissés entre différents terroirs constituent les caractéristiques principales du modèle sahélien de l’espace (Walther et Retaillé, 2008).
À l’inverse, les approches des fonctionnaires et des techniciens du développement sont liées aux modalités de construction des territoires des États et des projets. L’espace est découpé entre différentes zones pour accroître les productions par l’irrigation, la diversification des cultures, l’amélioration de la fertilité des sols. Leurs stratégies sont centrées sur la production et l’espace de production (ibid.). Elles négligent le rôle exercé dans les stratégies de subsistance par les circulations, les échanges entre différentes zones. Les limites territoriales qu’elles instituent pour promouvoir leurs stratégies de développement les restreignent.