Dire Moby-Dick par la recherche en arts est à lire comme un appareillage. On dit "par" comme on dirait "avec", mais aussi "en direction", à l’image du langage marin, qui dit voir la terre ou l’animal au loin, "par le travers" ou par toute autre pièce du navire pour aligner une direction à partir de sa propre situation. Alors, par qualifie tout autant le bagage, la position et la visée.
Construit comme une préparation au voyage, ce livre a d’abord été conçu pour donner à entendre la lecture francophone, ininterrompue et inédite des 139 chapitres du roman de Melville, Moby-Dick ou le cachalot. Cette performance de trente-deux heures dessine une ligne continue entre lire, dire et faire et donne à penser que réécrire Moby-Dick est impossible. Mais à partir de Moby-Dick, on peut construire une nouvelle écriture artistique basée sur une actualisation nécessaire de notre relation au Léviathan, qui mise sur une attention durable, écologique et éthologique à l’égard des objets du roman.
Pendant un an, une équipe de chercheurs et étudiants, artistes plasticiens et sonores, écrivains et traducteurs ont scruté systématiquement les objets, les gestes et les sons du roman pour comprendre les enjeux de l’écosystème melvillien. L’observation attentive de cet écosystème pose des bases de recherches sur l’implication des processus de création artistique dans un contexte environnemental élargi et tente d’avancer des propositions de définitions de ces objets particuliers — des objets libres — produits dans le cadre de ce programme de recherche en arts basé sur le développement des intelligences collectives et l’écopoïétique.
Aldo Leopold préconisait de "penser comme une montagne". Alors, par des faits et des gestes, on tentera de "penser comme un lanceur de javelot", voire "comme un javelot" et peut-être même "comme une jambe d’ivoire" ou "comme un cachalot blanc".