Comment se forme le savoir cartographique sur un territoire national et de quels usages sociaux et politiques ce travail scientifique devient-il l'enjeu ? C’est à cette double question centrale que cet ouvrage s’attache à répondre. L’auteur prend pour terrain de recherche la Tunisie du XIXe siècle : elle y suit d’abord l’activité pionnière de voyageurs cartographes pour donner à voir comment s’opère le passage de l’itinéraire à la carte. Elle étudie aussi le processus d’adoption de la carte par les autorités civiles et militaires, pour la formation des officiers à l’École polytechnique du Bardo, pour la représentation des villes ou lors de négociations qui visent à fixer la frontière avec l’Algérie voisine, devenue colonie française. Fruit d’un savoir scientifique, la carte est également porteuse de nouveaux modes de gestion politique du territoire.
Cette analyse historique, fondée sur une documentation de première main, s’est enrichie des ressources de la géographie, de la science politique et de la sémiologie. Son originalité tient aussi à la capacité qu’a l’auteur de restituer les conditions matérielles et les effets institutionnels de l’activité des cartographes, rendue tangible et vivante. Le lecteur est ainsi invité à mettre ses pas dans ceux de ces arpenteurs de l’espace tunisien, qui ont su engager des rapports de réciprocité sous forme d’échanges interculturels de savoirs et de savoir-faire.