Contrairement aux wagons de la mobilisation et aux taxis de la Marne, le tramway n'est pas spontanément associé à la Grande Guerre. Cependant, sa conductrice incarne une forme d'émancipation de la femme : la wattwoman ou "femme-cochère" prend place à côté de la munitionnette, de l'infirmière et de la marraine de guerre pour illustrer ce tournant des moeurs. Dans la vie de l'Arrière, le maintien à tout prix de l'exploitation du réseau de trams constitue un enjeu majeur pour les autorités publiques de Bordeaux. Le directeur de la compagnie des Tramways de Bordeaux est à un poste d'observation remarquable de la vie d'une métropole provinciale éloignée du Front, mais qui accueille les pouvoirs publics en 1914. La présence de réfugiés belges et du Nord est suivie de l'afflux d'une main-d'oeuvre venue des colonies aider les "remplaçantes" à combler la mobilisation des jeunes hommes. Eugène Resal analyse les transformations de cette grande ville portuaire. Il bénéficie de contacts directs avec les dirigeants militaires et industriels du pays en guerre et de ses liens familiaux avec deux collaborateurs intimes de Clemenceau, Georges Maringer et Jules Jeanneney. Ces informations alimentent les lettres qu'il adresse à son fils aîné Salem, artilleur de la Grande Guerre.