Les époux Plantié, métayers lot-et-garonnais, se sont écrits chaque jour ou presque du 12 août 1914 au 18 août 1917. Mille cinq cents lettres au total qui embrassent chaque moment de la vie du couple : de l’ordinaire le plus banal, à l’arrière comme au front, des réfl exions sur la guerre et sa logique destructrice, aux tendres déclarations d’amour. Dès juillet 1915, Léon renvoie au domicile les lettres de Madeleine. Ainsi, nous disposons d’une correspondance à deux voix qui a été préservée à dessein :
Petit, [Étienne, leur fi ls] lira [les lettres] pour se distraire, mais une fois homme il les lira alors pour se faire une idée de ce que c’est que la guerre, de ce qu’un père souffre loin de sa femme et de son enfant et peut-être il apprendra aussi à me connaître et il verra comme je l’aime.
Ces lettres, transcrites mot à mot par une historienne puis sélectionnées, sont un témoignage rare. Épargné par la censure grâce à sa position de vaguemestre, Léon, soldat dans la territoriale, partageait cafard et colère avec sa femme :
Zut. J’en ai assez de ces gens-là, partisans de la guerre, de ces tueurs d’hommes de ces mangeurs d’enfant de 20 ans.
Mais surtout, il nommait la peine et le manque qui le lancinaient : « Que de baisers qui se perdent… » écrivait-il souvent. Au-delà de leurs emportements et de leur lassitude, ces écrits du for privé sont une manifestation de l’intime des épistoliers, de ce qu’il y a de plus profond, de plus essentiel, de plus original chez eux, de leur douleur commune d’être séparés.