Cet ouvrage a pour ambition de s’interroger sur la pertinence du lien utopies et histoire à partir de l’exemple canadien ; en effet, la discipline historique, partant des faits, peut apparaître – mais c’est à tort – comme plus étrangère à la compréhension des utopies. Celles-ci peuvent être réaction à un réel que l’on récuse comme le faisaient les fouriéristes rêvant d’une société égalitaire alors qu’ils vivaient dans une société qui ne l’était pas ; les utopies peuvent être aussi projection dans un avenir incertain ou repli sur soi comme le furent les phalanstères fermés sur eux-mêmes. La vision du Canada proposée aux candidats à l’immigration, parce qu’elle a été souvent très éloignée des réalités à affronter, fait de ce pays un laboratoire privilégié de l’étude des utopies à travers son histoire. Il a été perçu comme une immensité vierge aux richesses multiples et largement accessibles. Ignorant les famines si meurtrières en Europe, il fut vécu comme une terre d’abondance. Dans ce vaste espace à conquérir, les différentes populations pionnières purent croire trouver une terre de tolérance. La société canadienne largement fondée sur la négation des hiérarchies européennes peut être perçue comme éman-cipatrice de l’individu. Ces mythes se sont-ils concrétisés dans l’histoire du Canada ? L’Amérique du nord, qui ne s’est ouverte qu’au XVIe siècle et dont la découverte a révélé les immenses richesses, a été par là même terre d’utopies où tout semblait possible. Ce livre à dominante historique propose d’analyser sur le long terme (XIXe-XXIe siècles) en quoi le Canada a toujours été porteur d’utopies et comment celles-ci ont pu évoluer à travers l’histoire à partir de trois thèmes privilégiés : la terre d’abondance, le modèle démocratique et les modes de vie.