2e édition tome I + tome II
Gil Blas de Santillane, le plus célèbre des trois romans « picaresques » de Lesage, a donné lieu au XIXe siècle à une controverse acharnée, bien connue sous le nom de « querelle de Gil Blas », par laquelle l’Espagne disputa à la France la propriété de l’ouvrage. Celui-ci représente en effet l’un des cas d’imitation les plus caractérisés, mais aussi les plus étranges, qu’ait produits la littérature européenne. Pourquoi cette résurgence de l’inspiration picaresque en France, plus d’un siècle après l’apparition des chefs-d’œuvre du genre outre-Pyrénées? Pourquoi, alors que l’auteur proclame une intention de réalisme (« peindre la vie des hommes telle qu’elle est »), a-t-il choisi pour cadre un pays dont il n’avait qu’une connaissance indirecte ?
C’est cette double singularité que le présent livre se propose d’éclairer, par une démarche consistant à reconstituer, dans un premier temps, la bibliothèque espagnole de la trilogie formée par Gil Blas, Estévanille Gonzalez et Le Bachelier de Salamanque, c’est-à-dire la somme des emprunts de Lesage à la littérature du Siècle d’or ; dans un second temps, la bibliothèque hispanique de l’auteur : les sources d’information (cartes et relations de voyage, grammaires et dictionnaires, ouvrages d’histoire) qui lui ont permis de construire un décor en trompe-l’œil assez réussi pour que bien des lecteurs espagnols, aujourd’hui encore, s’y laissent prendre ; dans un troisième temps, le processus de mutation par lequel le pícaro, fou de l’honneur prêt à toutes les transgressions pour s’agréger frauduleusement à l’aristocratie, devient chez Lesage un valet modèle n’aspirant qu’à être reconnu et récompensé par ses maîtres nobles.
L’ambition du valet lesagien n’est plus de « devenir gentilhomme » (selon le mot du Buscón de Quevedo), mais de parvenir par la faveur : problématique sensiblement différente de celle des récits espagnols et qui lui reste pourtant apparentée en profondeur, dans la mesure où l’on a toujours affaire à un roturier, à l’autre du noble, en quête d’identité et de légitimité au sein d’une société où l’inégalité est institutionnelle.
Gil Blas de Santillane, le plus célèbre des trois romans « picaresques » de Lesage, a donné lieu au XIXe siècle à une controverse acharnée, bien connue sous le nom de « querelle de Gil Blas », par laquelle l’Espagne disputa à la France la propriété de l’ouvrage. Celui-ci représente en effet l’un des cas d’imitation les plus caractérisés, mais aussi les plus étranges, qu’ait produits la littérature européenne. Pourquoi cette résurgence de l’inspiration picaresque en France, plus d’un siècle après l’apparition des chefs-d’œuvre du genre outre-Pyrénées? Pourquoi, alors que l’auteur proclame une intention de réalisme (« peindre la vie des hommes telle qu’elle est »), a-t-il choisi pour cadre un pays dont il n’avait qu’une connaissance indirecte ?
C’est cette double singularité que le présent livre se propose d’éclairer, par une démarche consistant à reconstituer, dans un premier temps, la bibliothèque espagnole de la trilogie formée par Gil Blas, Estévanille Gonzalez et Le Bachelier de Salamanque, c’est-à-dire la somme des emprunts de Lesage à la littérature du Siècle d’or ; dans un second temps, la bibliothèque hispanique de l’auteur : les sources d’information (cartes et relations de voyage, grammaires et dictionnaires, ouvrages d’histoire) qui lui ont permis de construire un décor en trompe-l’œil assez réussi pour que bien des lecteurs espagnols, aujourd’hui encore, s’y laissent prendre ; dans un troisième temps, le processus de mutation par lequel le pícaro, fou de l’honneur prêt à toutes les transgressions pour s’agréger frauduleusement à l’aristocratie, devient chez Lesage un valet modèle n’aspirant qu’à être reconnu et récompensé par ses maîtres nobles.
L’ambition du valet lesagien n’est plus de « devenir gentilhomme » (selon le mot du Buscón de Quevedo), mais de parvenir par la faveur : problématique sensiblement différente de celle des récits espagnols et qui lui reste pourtant apparentée en profondeur, dans la mesure où l’on a toujours affaire à un roturier, à l’autre du noble, en quête d’identité et de légitimité au sein d’une société où l’inégalité est institutionnelle.