« Pour résumer mon oeuvre en une phrase : je veux peindre, au début d’un siècle de liberté et de vérité, une famille qui s’élance vers les biens prochains, et qui roule détraquée par son élan lui-même, justement à cause des lueurs troubles du moment, des convulsions fatales de l’enfantement d’un monde ». Histoire, liens du sang, « débordement des appétits » : tels sont les marqueurs programmés de la fresque Rougon-Macquart, dont l’ambition se modèle sur La Comédie Humaine. Zola fait à son tour le pari de l’élaboration d’un grand cycle, animé du désir « de démonter les rouages » de la société, et d’ouvrir l’espace du roman à tous les domaines du savoir. Entre physiologie et sociologie, le cycle se veut représentatif d’un moment – le second Empire – et d’un groupe d’individus apparemment «profondément dissemblables mais que l’analyse montre profondément liés». La Fortune des Rougon, roman des origines de la famille, est un véritable pari et constitue un enjeu essentiel pour Zola. Il doit capter durablement le lecteur. Sang, pouvoir, désir, les ingrédients d’une tragédie moderne sont mobilisés. Histoire de filiation et de mésalliance, naissance d’un pouvoir dans le sang du peuple, roman historique aux temporalités multiples, satire du bourgeois, fraîcheur de l’idylle, ténèbres de la folie : tous ces fils s’entremêlent pour fonder la première pierre de l’édifice zolien. Pour revisiter ce roman, les approches génétiques, poétiques, historiques, ethnocritiques, stylistiques émanant de grands spécialistes de l’auteur fourniront aux agrégatifs et à tout lecteur passionné un apport absolument essentiel à l’analyse de cette grande oeuvre.