La chanson politique a existé dès le Moyen-Âge. On a souvent étudié ses manifestations diverses, mais le corpus, très vaste, reste assez rebelle à l’analyse. C’est la raison pour laquelle on a choisi d’aborder ces chansons politiques en Europe, aux XIXe et XXe siècles pour l’essentiel, dans plusieurs pays, afin de mieux cerner, par-delà le foisonnement des variétés, la différence entre chansons directement associées à un événement et chansons devenues politiques sous l’impulsion d’un contexte sociohistorique. Il a fallu prendre en compte aussi l’existence de registres divers – chanson noble (Lied), chanson d’origine populaire (Volkslied),chanson intellectuelle « à la française » (Das Chanson),et chanson à grande diffusion, « tube » pour employer le langage d’aujourd’hui (Schläger) –, dont le choix est souvent déterminé par la langue et la culture considérées. La question s’est, en outre, nécessairement posée de l’efficacité de ces chansons : visent-elles seulement,dans certains cas, à susciter une exaltation sans lendemain? Sont-elles de nature satirique, relevant par là de l’univers carnavalesque ? Ou bien réellement en prise sur l’événement ?Avec le recul, les meilleures d’entre elles, exprimant« l’air du temps », se sont transformées pour nous en témoignage sur telle ou telle époque, à la « modernité »de laquelle elles contribuent, au sens que Baudelaire donne à ce mot. On peut se demander cependant si,étant donné les conditions actuelles de production et de diffusion, les temps actuels en transmettront beaucoup aux générations futures.