Le fantastique, dans l’histoire littéraire, appartient au XIXe siècle ; tout au plus accorde-t-on à Cazotte d’en être un habile précurseur… Et pourtant, l’étrangeté du Diable amoureux est bien de son siècle, elle en dit les inquiétudes et les hésitations de la pensée. Dès lors son analyse ouvre nombre de pistes à la rencontre des écrivains « à imagination » du siècle des Lumières, Bordelon, Mouhy, Prévost, Lubert ou encore Crébillon.Cet ouvrage choisit de définir le fantastique au XVIIIe siècle non comme un genre en gestation mais comme un registre d’écriture caractérisé par une visée fondamentalement ambiguë envers la référence comme envers la vérité. Le fantastique innerve les récits les plus divers – contes de fées, contes orientaux, histoires véritables, romans cabalistiques, fictions scientifiques, parodies et bien sûr romans – et met en évidence les dangereuses accointances du merveilleux et du vraisemblable dans l’écriture de fiction. Retour d’une croyance refoulée au travers d’un merveilleux souvent badin, le registre fantastique témoigne des mutations profondes que connaît la culture du XVIIIe siècle et montre, non sans paradoxe, comment l’expérience d’un certain désarroi peut devenir source de plaisir littéraire.Docteur ès-lettres, agrégée de lettres modernes, Emmanuelle Sempère enseigne dans un lycée du Val-de-Marne ; membre de la SFEDS, elle participe aux travaux du Centre de recherches de l’université de Paris-III.