Cette étude propose de confronter la teneur du discours de trois poètes contemporaines d’Amérique latine, Gioconda Belli, Piedad Bonnett et Cristina Peri Rossi, en ce qui concerne des questions telles que l’expression du désir, l’amour voire l’identité féminine. La confrontation des discours poétiques amène à mettre en évidence trois manières différentes de construire une image de moi poétique. Cette image et la construction du discours lui-même se conçoivent sur la base de stéréotypes qui laissent apparaître des enjeux normatifs sous-jacents en termes de genre. Chez Gioconda Belli, les interrogations et les revendications militantes contribuent à perpétuer un féminisme de la différence sexuelle. Tandis que chez Piedad Bonnett, l’absence de semblables interrogations maintient le discours poétique dans la tradition lyrique caractérisée par ses répartitions de rôles nettes et figées entre instance féminine et instance masculine. Le positionnement le plus radical est celui de Cristina Peri Rossi en ce que son discours (en écho à la théorie queer) interroge non seulement les rôles mais les revendications identitaires elles-mêmes et, en définitive, les formes du discours lyrique amoureux. Cette confrontation de trois oeuvres poétiques permet de faire apparaître une part d’impensé normatif dans une catégorie de discours comme la poésie lyrique amoureuse en tant que lieu d’expression du pouvoir (M. Foucault) et de voir quelles sont les possibilités de « défaire le genre » (J. Butler) au sein de cette catégorie de discours.