Dario Ippolito, dans « La philosophie pénale des Lumières entre utilitarisme et rétributivisme », s’attaque à un lieu commun tenace, à savoir l’idée que la théorie utilitariste de la fonction préventive des peines serait le moyen d’identifier et de fédérer la pensée pénale des Lumières. Or ce critère est beaucoup moins pertinent que ceux de la laïcisation et de la rationalisation dans la définition du crime, de la légalité des peines et de leur proportionnalité aux délits. En effet, non seulement les auteurs conservateurs et les praticiens de la justice traditionnelle, donc les adversaires des philosophes et des réformateurs, renvoient eux aussi incessamment à la fonction préventive des peines, mais encore les penseurs des Lumières, Montesquieu lui-même, ainsi que les italiens comme Genovesi, Pagano et Filangieri s’appuient pour nombre d’entre eux sur des arguments de droit naturel afin de reprendre à leur compte des arguments rétributivistes. Le refus du rétributivisme par Beccaria doit à ce titre plutôt être compris comme une exception.
The utilitarian theory of the preventive function of punishment is not a char- acteristic or distinctive identity of the penal philosophy of the Enlightenment. The retributive conception that justifies the evil of punishment by the evil of the crime, although vigorously opposed by Beccaria, is not alien at all to the le- gal culture of the Enlightenment. From Montesquieu to Filangieri and Pagano, natural law moral certainties of the Philosophers push toward retributivism.