La fin du XIXe siècle, marquée par une vie politique chaotique et rythmée par les scandales, voit fleurir des "fictions autoritaires", qui entendent renouer avec un objectif éthique, tout en dépassant et en renouvelant le genre du roman à thèse : elles ambitionnent, par la voie de la fiction, de fonder les prémices de communautés nouvelles et de supplanter les visions déceptives du monde.
Des écrivains engagés, souscrivant à des idéologies diverses (Zola, Barrès, Bourget), proposent audacieusement des formes romanesques inédites et construisent des contre-mondes, instituant ainsi l’oeuvre littéraire comme un rempart contre la dégradation morale, spirituelle et politique de la nation. Le romanesque débridé, la fantaisie, l’écriture de l’émotion, la réflexion sur les pouvoirs de la langue, l’ethos de ces écrivains, éclairent d’un jour nouveau un genre dont on a trop longtemps méconnu l’intérêt et les enjeux véritables.
Envisager à nouveaux frais ces oeuvres, qui furent des événements marquants de la vie intellectuelle de la fin du siècle, permet de repréciser le paysage littéraire du temps, mais aussi d’interroger la fabrique des discours politiques (nationaliste, socialiste, humaniste) que le roman, laboratoire des expériences possibles, permet de reconfigurer et dont les échos, les images, les structures organisent, peut-être à notre insu, la pensée politique d’aujourd’hui.